Poésies vol. 1, nº 3, pages 21-22 |
Ars poetica
Poésie pour quand tu es myope, |
Jeu
Ne te cache plus |
Non in idem flumen
Le pays est à l’heure de la gêne
usée jusqu’à la corde fut notre fibre
ayant vécu la plus grande frayeur historique
la plus forte des extases
les mains dans les poches vides
vidées de tout ce que nous fûmes
– avec le fantasme du lendemain,
cerf-volant arraché à sa ficelle, vagabond, sans
attaches
Nous avons pris un fardeau sur le dos
mis un signe sur nos jours
vécu un espoir à l’image du désespoir
notre âme, notre corps avaient pris des formes
aveugles, indéchiffrables,
sept ans, onze ans
et plusieurs fois d’autres aunes
jusqu’au seuil le plus bas des ténèbres
vers l’aube
Maintenant, on se recueille
comme le firent nos ancêtres depuis la nuit des
temps
avant tout voyage.
Portrait de femme
Elle a mis un manteau noir en velours
connivence entre nuits blanches et secret des
arcades,
fardée sur une seule joue,
le gros bonnet enfoncé sur la tête
les bras sortis de son éternelle capote bleue
un petit sac égaré à la main
une grosse sacoche, bottes souillées par la boue
de la banlieue à HLM
et l’enfant à côté
parmi les étalages à légumes
fleurs peintes en rouge, vert Nil, jaune doré
miel au parfum de soleil
avec son sourire discret et altier de Madone
elle serre bien fort, dans le coin d’une
serviette
les papiers noircis pendant la nuit,
les défendant contre les tentacules humides du céleri.
Parce que
On joue aux relais, à cache-cache
je viens de repeindre ma chambre
permets-moi |
Ioana Ieronim
poète et essayiste, est née à Râsnov, Brasov. Elle a
fait des études de langue et de littérature anglaise à
l’Université de Bucarest.
Ses poèmes, traduits, ont paru dans des revues
littéraires aux États-Unis, en Angleterre, en Suisse,
etc. A publié Vara timpurie, 1979 et
Triumful Paparudei (Litera, 1992).